Lorsque nous communiquons entre plusieurs personnes, surtout lorsque les enjeux sont professionnels, des « scénarios » psychologiques se mettent automatiquement en place. Beaucoup peuvent être nocifs à une dynamique de groupe constructive. Il est très important pour un animateur de réunion ou un manager de savoir repérer ces schémas afin de pouvoir recadrer un débat, déjouer les tentatives d’échec de certaines personnes de mauvaise volonté et ainsi conduire une réunion de manière saine et efficace.

Les cinq grands types de « jeux » psychologiques

La passivité

Ce jeu consiste à faire en sorte que la discussion tourne en rond. Dans ce genre de situation, un ou plusieurs interlocuteurs font en sorte de renvoyer la responsabilité aux autres, de les faire culpabiliser et de se décharger de leurs responsabilités. Ce mode de fonctionnement bloque toute discussion et empêche toute velléité de résolution d’une problématique.

Les types de discours qui doivent vous alerter tournent généralement autour de trois grands thèmes :

  • La lamentation : la personne se plaint et de son sort et de l’environnement. Elle enferme la discussion dans une vision dramatique qui entraine souvent le découragement du reste de l’équipe.
  • Le dénigrement : un collaborateur critique ouvertement le travail des autres pour ne pas prendre sa part de responsabilité. En faisant se concentrer le débat sur l’extérieur, il n’affronte pas les tâches qui lui incombent à lui-même. Cela créé une confusion des rôles et un blocage à la résolution d’un problème commun.
  • Le bouc émissaire : encore plus délicat à gérer, le dénigrement se concentre sur une seule personne. Toute la responsabilité d’un échec est attribuée à quelqu’un, même un supérieur hiérarchique.

La séduction

Ce scénario consiste à flatter ouvertement une personne, souvent de manière disproportionnée, afin de la rendre redevable et de pouvoir mieux la manipuler par la suite. Il s’agit du jeu séducteur/flatteur qui peut très bien fonctionner auprès d’une personne en manque de confiance en soi. Si ce type de relation se met en place dans une équipe, celle-ci sera déséquilibrée et il y a fort à parier que le « flatté » se sentira rapidement utilisé sans rien oser dire de peur de paraître ingrat envers celui ou celle qui l’aura auparavant encensé.

La divergence

Il s’agit de l’un des jeux les plus utilisés dans le cadre d’une réunion de groupe. Le principe réside dans le fait de demander leur avis à plusieurs personnes sur un point précis, de relever et de pointer les divergences de point de vue avant de renvoyer chacun à son désaccord avec l’autre plutôt que de proposer des compromis. En centrant un débat sur des avis opposés, la personne se décharge de son travail en argumentant qu’il lui est impossible d’avancer tant que les personnes autour de lui ne sont pas d’accord.

Une variante consiste à mettre en opposition des services entre eux. Les réunions se transforment alors vite en arène où les participants règlent leurs comptes plutôt que d’avancer dans une direction commune.

La non-décision

C’est bien évidemment quand il s’agit d’acter une décision que les tensions se cristallisent le plus souvent. Et que les enjeux de pouvoir se focalisent. Le moment de la prise de décision devient donc facilement l’occasion de saboter ou de freiner une dynamique de groupe.

On observe alors deux jeux bloquants :

  • L’accord unanime : rendre une prise de décision dépendante d’un accord à l’unanimité du groupe revient souvent à ne pas prendre de décision du tout. En prétendant chercher un consensus, le grand perdant est souvent le problème à régler qui ne trouve pas de solution concrète à court terme. Les deux conséquences de l’unanimité étant souvent la paralysie ou l’éclatement du groupe. Certains participants ne faisant du coup pas valoir leur avis de peur de bloquer encore plus le processus, laissant ainsi le champ libre à ceux qui parlent le plus fort.
  • Le « c’est à vous de décider » entre deux protagonistes qui n’arrivent pas à se mettre d’accord et qui vont faire appel à un animateur ou à un responsable hiérarchique pour décider à leur place. Ce mécanisme est dangereux si, ni le cadre ni les enjeux ne sont pas maîtrisés, puisqu’il sera facile pour les deux interlocuteurs de faire porter la responsabilité d’un échec à la personne qui a pris la décision à leur place, et ce, même si c’est eux qui l’ont demandé !

La résistance

Cette dernière typologie de jeux consiste à entrer dans l’action en marche arrière. Certains l’appellent de la mauvaise volonté, d’autres du laxisme. Toujours est-il que ces techniques de sabotage fonctionnent très bien si elles ne sont pas identifiées et contrées !

Quatre types de résistance doivent vous alerter :

  • L’intello : ce jeu revient à noyer la réunion dans un flot de trop plein d’informations. Il s’agit d’une sur-participation d’un ou des membres du groupe qui abreuvent le reste de l’équipe par des détails techniques ou des problèmes accessoires. Le résultat est systématique : des discussions interminables et la complexification de problèmes initialement simples.
  • Le dictionnaire : variante du jeu précédent, il consiste à compliquer une formulation du problème en renvoyant à des problématiques de signification de mots. « Pour avancer, il faudrait avant tout savoir ce qu’on entend par le terme xxx ». Ainsi les membres d’une réunion vont passer leur temps à redéfinir ce qu’ils veulent dire plutôt que de le passer à résoudre un problème.
  • Le « Oui, mais ! »: un grand classique ! Efficace et socialement accepté, le « Oui, mais ! » permet de feindre l’accord tout en relevant systématiquement les obstacles. Ces deux petits mots sont capables de bloquer n’importe quelle discussion.
  • Le « Je n’en pense pas moins » : ce jeu relève souvent du non verbal. Pendant une réunion, une personne ne parle pas beaucoup et approuve mollement les discussions mais son positionnement physique indique clairement un désaccord : mou grimaçante, bras croisés, position en arrière sur sa chaise, … Cette même personne peut également tout à fait marquer son désaccord par rapport une réunion dès que celle-ci est finie, de manière informelle, insinuant le doute par rapport aux décisions prises et démotivant ainsi, insidieusement, tout le groupe.

Se sortir des « jeux »

Toutes ces techniques ne sont bien évidemment pas utilisées de manière consciente par leurs auteurs. Il s’agit tout d’abord de discerner la simple mauvaise volonté ou la peur du changement de la tentative de sabotage affirmée. Votre degré de vigilance devra alors être adapté sur la durée dans le second cas.

Trois clefs vous permettront ensuite de transformer ces cercles vicieux en cercle vertueux :

  • Repérer

Reconnaître ces jeux psychologiques est la première étape. La première partie de cet article vous permettra de qualifier le schéma auquel vous avez affaire.

  • Prendre conscience de l’ampleur du jeu

Une fois le jeu repéré lors d’une réunion, restez calme, écoutez attentivement la forme des propos échangés, prenez des notes et ne répondez pas au tac au tac. Cela vous permettra de mettre en place votre technique de défense posément.

  • Se protéger

Si l’un des participants vous vise dans l’un de ces jeux, faites un point avec vous-même lors d’une pause, voire même après une réunion si vous ne vous sentez pas capable de réagir à chaud. Il s’agit de prendre du recul afin de ne pas vous laisser prendre à partie personnellement si telle est l’intention de votre interlocuteur.

Il sera alors temps de passer à l’action et de :

  • Réagir 

Le jeu psychologique étant souvent décrit comme une spirale ascendante qui prend de l’amplitude au fur et à mesure de son scénario et qui se nourrit des propos et des actions censés la stopper, il s’agit d’inventer de nouvelles issues et de changer radicalement de perspective pour emmener le groupe sur un autre terrain.

En modifiant le mode de pensée, vous désemparez le « joueur ». En vous plaçant hors du champ prévisible de l’escalade, vous arrêtez d’un seul coup la tentative de perturbation de votre réunion. Nous vous proposons 10 outils pour y arriver :

  • Inverser le cours de la relation

Il suffit de repérer un jeu pour inverser le sens de notre réaction spontanée et ainsi désarçonner celui qui avait débuté un scénario préétabli. Ainsi prendre une initiative positive pourra faire repartir une relation sur une polarité constructive.

Phrase type : « Moi aussi je me pose la même question que vous, comment pourrions-nous améliorer les choses de votre point de vue ? »

  • Modifier le cadre du problème naissant

Si deux participants débutent un jeu en se lançant des remarques acerbes, plutôt que de faire remarquer le côté déplacé de leurs échanges, intervenez immédiatement pour jouer le rôle de médiateur et ainsi désamorcer une situation qui risque de déraper.

Phrase type : « Je vous propose de prendre chacun trois minutes pour dire ce qui vous dérange, chacun écoute et prend des notes, comme cela les choses sont dites et on peut passer à autre chose. »

  • Inventer un nouveau contexte

Si une situation dégénère entre deux personnes, n’hésitez pas à proposer d’appeler un responsable hiérarchique voir un directeur pour intervenir. Il y a fort à parier qu’au moins l’un des deux protagonistes vous propose de régler le blocage entre vous rapidement.

  • Prescrire le symptôme

Face à un jeu de passivité et un silence plombant de vos collaborateurs alors que vous venez de leur demander leur avis sur un problème, plutôt que de meubler avec des commentaires annexes, proposez leur par exemple de prendre quelques minutes pour formaliser leurs questions et restez silencieux à votre tour. Quelqu’un finira par prendre la parole pour parler et avancer.

  • Utiliser les résistances

Si vous sentez des fortes résistances devant l’objectif d’une réunion que vous animez, plutôt que de vous lancer dans un argumentaire pour convaincre les membres de votre équipe, proposez-leur de se mettre en sous-groupes et de lister les difficultés qu’ils imaginent par rapport à la problématique évoquée. Il vous sera alors plus facile  de travailler sur chaque type de crainte que de vous confronter à la passivité de tout un groupe.

  • En rajouter

Si l’un de vos collaborateurs se lamente et ne parle que des difficultés de son poste ou de sa mission, abondez dans son sens en en rajoutant ! Vous constaterez avec surprise que, de lui-même, il modérera surement ses propos et proposera une solution.

  • Feindre l’indifférence

Ne pas apporter son attention à un élément perturbateur, en lui signifiant que vous prenez acte de son désaccord mais en ne rebondissant pas dessus, vous permettra de vous centrer sur les éléments plus positifs et dynamiques et de ne pas le laisser contaminer la réunion par son négativisme.

  • Modifier le système relationnel

Si un climat lourd s’est installé dans une réunion que vous avez l’impression de devoir porter à bout de bras, vous pouvez simplement proposer une pause mais également de changer de salle ou d’intervertir la place des participants. Un changement de repère physique peut parfois suffire à redonner du souffle à une dynamique de groupe qui n’en a plus.

  • Annoncer au lieu de cacher

Si vous avez une décision difficile ou un changement d’organisation à annoncer, plutôt que de laisser des personnes s’engouffrer dans la brèche, annoncez clairement et en tout début de réunion ce dont il s’agit. Sans minimiser l’information mais en indiquant tout de suite ce que cela peut apporter à chacun et comment vous allez accompagner les membres de votre équipe dans ce passage délicat. Vous couperez ainsi l’herbe sous les pieds à des potentiels détracteurs !

  • Mettre les pieds dans le plat

Dans un cas ultime, si une réunion est enferrée dans un jeu dont personne ne se sort malgré toutes vos tentatives, n’hésitez alors pas à la clore. Vous prendrez ensuite le temps de réfléchir à comment désamorcer la crise et à proposer d’autres modalités de rencontre : en plus petit comité, avec un autre ordre du jour et/ou en vous préparant à contrer un scénario psychologique mis en place.

Les avantages savoir repérer un jeu psychologique

  • Connaître les différents jeux psychologiques permet de savoir les identifier plus facilement et de mettre en place rapidement une technique pour désamorcer le blocage.
  • Repérer ce genre de mécanisme vous permet également d’identifier les personnes réfractaires à une bonne dynamique de groupe et de pouvoir mieux les gérer individuellement voire de ne plus les inclure dans des projets à plusieurs.

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