Le travail en équipe, source de performance et d’innovation, est l’un des piliers de la réussite d’une entreprise. Or, une équipe est composée de personnalités différentes, aux avis variés et aux méthodes distinctes. Et qui dit différences, dit conflits potentiels…

On pourrait croire que ce qui génère les conflits dans une équipe, ce sont les divergences d’opinions des membres qui la composent. Or, la genèse des conflits d’équipe est toute autre. Elle relève de l’ordre de la « perception ». En effet, chacun fonctionne selon sa personnalité, son secteur d’activité, son expérience, son âge, son sexe, sa formation etc. Autrement dit, chaque individu observe le monde par le prisme de « qui il est » et des croyances qu’il a. Ce qui va provoquer des conflits va donc être « comment un individu perçoit la manière dont ses coéquipiers fonctionnent » (au regard des facteurs cités précédemment).

Partant de ce postulat, comment manager son équipe, pour la rendre performante au-delà des conflits internes qui peuvent l’assaillir et la fragiliser ?

C’est la question à laquelle répondent Ginka Toegel, professeur en comportements organisationnels et leardership et Jean-Louis Barsoux, chercheur universitaire. Forts de leurs 25 années dédiées à l’étude de la dynamique de groupe, ils nous proposent une méthodologie de prévention des conflits basée sur 5 discussions.  Voici comment faire naître du conflit, non pas le chaos, mais l’innovation et la créativité.

Le principe des 5 discussions : « partons à la découverte de nos différences ! »

Ce temps d’échanges a pour objectif de découvrir les différences de chacun, à un moment où personne n’est encore sous pression. Le manager – animateur aura au préalable expliqué son but et rappelé qu’au travers de ces discussions chacun peut s’exprimer à son propre rythme, et poser des questions neutres. Petit à petit les participants passeront d’un mode bavardage un peu superficiel à une réflexion plus approfondie sur la compréhension des réactions des autres et par ricochet sur leur propre comportement.

En pratique, notre manager, chef d’orchestre pendant ce temps d’échange, guidera les discussions autour de :

  1. La manière dont les personnes se présentent.
  2. La manière dont les personnes agissent.
  3. La manière dont les personnes s’expriment.
  4. La manière dont les personnes pensent.
  5. La manière dont les personnes ressentent les choses.

Dans le contenu de ces 5 discussions :

Comment paraissons-nous au yeux des autres ?

Nous sommes souvent jugés sur ce que nous montrons à l’extérieur (vêtement, allure, timbre de voix, propos tenus). Mais avons-nous toujours conscience de l’image que nous renvoyons ? Et surtout, comment voulons-nous être perçu(e)s par nos collaborateurs ?

Prenons l’exemple d’une nouvelle recrue qui provient d’un milieu professionnel dont la culture d’entreprise est de se vêtir en costume cravate. Si la culture vestimentaire de l’entreprise qu’il intègre est « jean-chemise », il va probablement être considéré comme hautain ou arriviste.

Par cette première discussion sur « qui l’on est » et « d’où l’on vient » on lève le voile sur les perceptions des autres. On évite ainsi des méprises, et par conséquent, de potentiels conflits.

Question à poser : « Selon-vous, qu’est-ce qui fait bonne ou mauvaise impression au premier abord ? »

Comment nos comportements sont-il perçus par les autres ?

Pour éviter toute mauvaise interprétation, il est nécessaire de savoir pourquoi la personne adopte tel ou tel comportement. Avec cette 2ème discussion, le manager va témoigner qu’il ne faut pas se fier aux apparences.

La gestuelle : les collègues sont-ils plutôt tactiles ou distants ? Prenons l’exemple d’un employé qui ne fait jamais la bise en guise de bonjour. Cela vexe l’ensemble de l’équipe qui le catalogue parmi les personnes dédaigneuses.  Or peut-être que cette personne est tout simplement soucieuse de ne pas interrompre la concentration des autres déjà attelés à la tâche. Peut-être n’aime-t-il pas le contact physique ?

Le rapport au temps : la personne travaille-t-elle par anticipation ou est-elle davantage flexible et performante dans l’urgence ?

L’affirmation de soi : un collègue qui se sent à l’aise dans certaines missions délicates risque d’être jugé comme quelqu’un qui aime tirer la couverture à lui ou jouer des mécaniques. Or, peut-être aime-t-il prendre des responsabilités, peut-être pense-t-il décharger les autres qui préfèrent travailler dans l’ombre.

Les attentes quant à l’aide à s’apporter entre collègues : quel est le collègue de ses rêves, qu’attendre de l’autre ? Comment les membres d’une équipe peuvent-ils contribuer à la réalisation du bien commun ? Aimez-vous qu’on vous apporte de l’aide ou le vivez-vous comme une marque d’incompétence ou de soumission ?

Question à poser : « Selon vous, quels comportements de groupe sont appréciés ? »

Comment parler aux autres ?

Malgré l’utilisation d’une langue commune, les mots n’ont pas toujours la même portée pour celui qui les prononce et pour celui qui les entend. Paradoxalement, le langage est aussi une source de malentendus.

Question à poser : « selon vous, l’ironie et le sarcasme sont-ils appréciés ? », « le silence est-il une forme de réflexion ou un désengagement ? » 

Comment accepter des points de vue différents ?

Tout le monde ne conçoit pas le travail de la même manière. Personne n’appréhende les difficultés et la résolution de problème de la même façon. Chacun a ses critères pour prendre des décisions. Là encore cette différence est source de malentendus et donc de conflits.

Le collaborateur a-t-il plutôt un esprit analytique ou conceptuel ? Quels sont ses priorités et comment gère-t-il l’imprévu ?

Question à poser : « Selon vous, l’échec fait-il partie de l’expérimentation ou préférez-vous la recherche d’éléments de prévisibilité ? »

Comment sont accueillies les émotions ressenties ?

Si les émotions sont universelles, l’intensité avec laquelle on les ressent et la manière de les gérer diffère selon chacun.

L’enthousiasme de l’un peut effrayer le timoré introverti et agacer le pragmatique. Comment se gère le stress, le surmenage ? L’autre est-il du genre à se plaindre, à laisser exploser sa colère ou à pleurer à la moindre intimidation ?

Question à poser : « Selon vous, quelles émotions (positives ou négatives) est-il acceptable ou inacceptable d’exprimer dans un contexte professionnel ? »

Dans la mesure où absolument tout est matière à interprétation, il est impératif de poser les bonnes questions pour savoir avec qui l’on travaille. Les 5 discussions ont le double avantage d’apprendre à se connaître et de co-créer une ligne de conduite productive et efficace. Grace au dialogue, la créativité, la performance et prise de décision pertinente dépasseront de loin les risques de conflits.

Points à retenir :

  • Une équipe est composée de personnalités différentes, aux avis variés et aux méthodes distinctes.
  • L’origine des conflits d’équipe se trouve le plus souvent dans la « perception » que chacun a de l’autre, et non d’une divergence d’opinions.
  • Le manager peut éviter que des désaccords n’émergent et même désamorcer des conflits installés, en organisant une discussion avec son équipe.
  • Être conscient de l’image que l’on renvoie et savoir comment on veut être perçu(e) par ses collaborateurs évite les maladresses.
  • Savoir pourquoi la personne adopte tel ou tel comportement facilite les échanges.
  • Comprendre le langage de l’autre réduit les risques de conflit.
  • Connaître la manière dont son collègue aborde le travail permet d’adapter sa propre façon de travailler.
  • Reconnaître que chaque personne ne réagit pas de la même façon aux émotions qu’elle ressent amène davantage de tolérance.