Communiquer veut dire transmettre, expliquer, partager une information. Présenté de cette manière, communiquer semble être un jeu d’enfants puisque nous sommes tous capables de parler. Pour autant tout le monde ne s’exprime pas de la même manière et c’est précisément là que réside le point névralgique de la communication. Parce que chacun de nous est singulier, notre manière de nous exprimer et d’écouter diffère d’une personne à une autre. Il en résulte autant de probabilités de quiproquos qui s’immiscent dans les conversations. Nous avons tous tendance à trouver évidente la logique de notre propre style. Or, pour bien communiquer il est important de savoir d’où provient cette différence de langage et comment se comprendre malgré cette hétérogénéité.

Deborah Tannen, professeure de linguistique à l’université de Georgetown, a étudié l’influence des styles linguistiques sur les conversations et relations humaines appliquée au monde du travail. Selon les résultats de ses observations, la manière de parler se construit pendant l’enfance et diffère selon les vécus, les sexes et les cultures. L’utilisation d’un langage serait donc un comportement social acquis. Elle nous communique ici quelques pistes de compréhension pour mieux se faire entendre et éviter les malentendus.

Le style linguistique : définition

Selon Deborah Tannen, «c’est un ensemble de signaux acquis s’inscrivant dans une culture, selon lesquels nous communiquons nos intentions, interprétons les messages d’autres individus et nous jaugeons mutuellement en tant que personnes».

Il se rapporte aux schémas d’expression orale caractéristiques d’une personne et comprend :

  • La prise de parole
  • La façon de parler : directe ou indirecte
  • Le rythme : rapide ou avec des pauses
  • Le choix des mots
  • L’utilisation d’éléments comme des plaisanteries, des anecdotes, des figures de style, des questions, des excuses

Comment les styles linguistiques influent-ils sur la conversation ?

La conversation est «une activité où chacun intervient à tour de rôle» : Paul parle, Jacques écoute puis Jacques répond à Paul. Cet échange est conditionné par des facteurs culturels. Ceux-ci permettent de décoder les signes qui indiquent que Paul a fini de parler et que Jacques peut prendre la parole. Une parole transmet une information à 2 niveaux : au niveau du langage audible et à un niveau plus subtile de communication. Ainsi, il est important de connaître les codes de langage pour décrypter l’invisible. Car il y a toujours une différence de sens en fonction de la forme. Nous l’avons dit, le langage est une forme de comportement social : la manière dont on parle revêt une signification toute autre que la parole stricto sensu.

Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple d’une phrase que Jacques pourrait dire à Paul, mais exprimée de différentes manières :

«Installez-vous!» traduit un état supérieur de Jacques face à Paul.

«Faites-moi l’honneur de bien vouloir vous installer» traduit un état de grand respect de Jacques vis-à-vis de Paul.

«Vous me semblez bien fatigué, n’hésitez pas à vous installer» traduit un état d’inquiétude de Jacques pour Paul.

La différence de langage et de style en fonction des hommes, des femmes et des cultures

Sans mettre tout le monde dans des cases, il est démontré que les styles de langage diffèrent selon que l’on est un homme ou une femme.

Les études révèlent que les filles acquièrent des rituels conversationnels focalisés sur l’aspect «lien». Elles apprennent à s’exprimer en tenant compte de leurs besoins et de ceux des autres. Quant aux garçons, ils assimilent des rituels basés sur le statut tendant à faire ressortir un meneur dans un groupe.

Les hommes parlent pour être en position de supériorité et se sentir en pouvoir. Il n’apprécient pas de perdre la face et de ce fait font attention aux questions qu’ils posent. A l’inverse, les femmes sont plus sensibles à l’autre et cherchent à éviter de le placer en infériorité.

Les hommes parlent volontiers à la première personne du singulier «je» alors que les femmes parlent plutôt à la première personne du pluriel «nous».

Un homme va avoir tendance à glorifier ses succès alors qu’une femme va jouer la carte de l’humilité face à son supérieur hiérarchique. Le manager féminin va vouloir tempérer les discussions pour maintenir l’harmonie dans son équipe, mais en contrepartie, elle peut se draper d’une réputation de personne sans autorité.

Les femmes sont plus enclines aux compliments que les hommes. Elles cherchent à valoriser et à être valorisées en retour. Les hommes restent plus objectifs et factuels, davantage soucieux de ne pas perdre la face et de rester en position de supériorité.

L’opposition rituelle est un style majoritairement masculin. Il consiste en une «exploration à travers une joute verbale». Pour les non initiés, ce style linguistique s’apparente davantage à une dispute qu’à un rituel conversationnel. Sans maîtrise de ce style, un interlocuteur pourra paraître en manque de confiance vis-à-vis de ses propres idées.

Les phrases d’entrée en matière n’appellent pas de réponse particulière mais permettent de débuter une conversation. Le sens de ces phrases divergent selon la culture des protagonistes. Les américains demanderont «Comment allez-vous?» et les Philippins «Où allez-vous ?».

Le style linguistique appliqué au lien hiérarchique

Pour faire un feed-back, doit-on modérer sa critique en démarrant par les points positifs ou aller tout de suite dans le vif du sujet ? Autrement dit, faut-il privilégier la manière directe ou bien détournée pour exprimer des choses ?

Tout dépend de la personne en face de soi. Eliane apprécierait une entrée en matière positive pour ne pas se sentir dévalorisée alors que Jacques lui, préférerait une évaluation franche et directe afin de connaître précisément les points à améliorer.

En tout état de cause, un dirigeant sera plus enclin à favoriser une personne dont le style linguistique est proche du sien. Pour se faire comprendre de son manager, il est important d’apprendre à s’exprimer de manière plus affirmative. En retour, pour mieux comprendre son supérieur, il est judicieux d’apprendre à reconnaître les allusions que celui-ci peut vous faire ou son code de référence.

Mais alors quelle est la meilleure manière de se faire comprendre ?

Vous l’avez deviné, il n’y en a aucune étant donné la multiplicité de contextes, de personnalités, de style linguistiques. Alors, le manager qui a conscience de toutes ces subtilités pourra développer des méthodes plus adaptatives et flexibles afin de correspondre à la manière de s’exprimer de chaque personne.

La clé de la réussite en communication n’est-elle pas d’ajuster son style à celui de son interlocuteur ?

Points à retenir :

  • La manière d’écouter et de s’exprimer dépend de notre vécu, de notre enfance, de notre sexe et de notre culture.
  • La manière de parler va donner la signification de la phrase.
  • Les hommes et les femmes peuvent avoir des styles linguistiques différents.
  • Bien se faire comprendre, passe en partie par une adaptation aux codes linguistiques de son interlocuteur.

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