« L’homme est le seul animal dont l’action soit mal assurée, qui hésite et tâtonne, qui forme des projets avec l’espoir de réussir et la crainte d’échouer ». Cette citation du philosophe français Henri Bergson nous amène à nous questionner sur notre comportement face à la difficulté et à l’insuccès. En effet, alors que l’échec fait partie intégrante de notre condition humaine, de nos jours la réussite est érigée en valeur. Or, c’est grâce à l’échec que nous nous remettons en question, c’est à travers lui que nous apprenons, c’est encore avec lui que nous progressons. Pourtant, face à la difficulté ou une situation de défaite, nous avons tous tendance aux mêmes réactions : soit s’apitoyer sur nous-même en rejetant la faute sur autrui, soit culpabiliser et nous dévaloriser en nous reprochant de manière excessive le résultat considéré comme un fiasco. Et si, au nom de notre nature humaine, au lieu de nous victimiser ou de nous auto flageller, nous développions l’auto-compassion ? Que ce soit dans notre univers personnel ou professionnel, nos actions suivantes n’en seraient-elles pas meilleures ?
Qu’est-ce que l’auto-compassion ?
Le docteur en psychologie de l’éducation, Kristin Neff, définit l’auto-compassion comme « la capacité d’accueillir sa propre souffrance avec chaleur, ouverture et intérêt ».
L’auto-compassion est donc un état émotionnel. Il s’agit de se comporter avec soi-même comme si nous étions notre meilleur ami. Partant de ce postulat, dans une situation d’échec, que ferions-nous ? Est-ce que nous jugerions et critiquerions notre ami en le discréditant aux yeux des autres ou bien est-ce que nous essayerions de le comprendre et de l’encourager ? Il est probable que nous réagirions avec compassion. Alors pourquoi ne pas réagir de la même façon à l’égard de nous-même ? Car en s’observant avec gentillesse, bienveillance, indulgence, le maitre mot de l’auto-compassion est le non jugement.
Auto-compassion, estime de soi, confiance en soi
L’estime de soi a trait au registre des valeurs. Elle implique de s’évaluer au regard de circonstances extérieures. En ce sens, elle dépend du regard que nous portons sur nous-même : quelle valeur je me donne professionnellement, quelle valeur je me donne par rapport aux autres ?
La confiance en soi a trait au registre des capacités. Elle dépend d’une situation bien précise : de quelles ressources personnelles est-ce que je dispose pour affronter cette situation ?
L’auto-compassion a trait au registre du non-jugement. Elle ne dépend de rien puisque par essence elle est toujours neutre et accessible : aujourd’hui ais-je été bienveillant, compréhensif et patient envers moi-même ?
Comment développer son auto-compassion
Voici quelques techniques à utiliser à la suite d’une situation d’échec pour réagir avec auto-compassion. Mettez-vous en condition en vous accordant un moment de calme propice à l’introspection :
- Accueillir ses émotions : entrainez-vous à ressentir les sensations physiques associées à la pensée de l’échec concerné. Nommez ces sensations et les émotions qui se présentent à vous. Qu’elles soient positives ou négatives, restez dans l’écoute impartiale de ce qui s’exprime en vous, sans juger.
- Trouver à quoi renvoie chaque émotion : une émotion est un message, une information et non une prédiction. Que veut vous dire l’émotion émergente ?
- Avez-vous peur ? Ressentez-vous un danger ? Si oui, lequel ?
- Qu’est ce qui a de la valeur ? Que cherchez-vous à protéger ?
- Maîtriser le dialogue interne : au lieu de s’en vouloir, de se critiquer sévèrement, prenez du recul sur la situation. Cherchez plutôt à comprendre ce qui n’a pas marché pour trouver comment faire pour que ça fonctionne la prochaine fois. La tolérance et la patience sont de précieux alliés.
- Garder à l’esprit l’universalité de la condition humaine : nous sommes prédisposés à ressentir des émotions négatives. Chaque être humain expérimente l’échec, la frustration, la déception, la peine. Vous ne faites pas exception à la règle. Ce que vous vivez, ce que vous ressentez est normal et arrive à tout le monde même aux personnes qui connaissent le succès.
Les bénéfices de l’auto-compassion dans le monde professionnel
Prendre soin de soi est capital pour une vie agréable, ambitieuse et prolifique.
- L’auto-compassion amène à s’améliorer par davantage d’introspection et donc de connaissance de soi notamment sur ses forces et faiblesses. Elle permet de se considérer avec réalisme sans tomber sans le défaitisme ni l’autosatisfaction.
- L’auto-compassion accroit la motivation pour travailler sur ses points faibles. La fatalité s’efface pour laisser émerger l’envie et le courage de changer ses mauvaises habitudes.
- En pratiquant l’auto-compassion, nous agissons sur notre potentiel de développement grâce à la croyance qu’avec des efforts le changement est possible.
- En évaluant son travail avec bienveillance et non jugement, on évalue aussi son positionnement dans sa fonction en entreprise. Pour rester motivé et énergique mieux vaut être en accord avec ce que l’on est comme sur ce que l’on fait. Et plus on est en accord avec soi-même, moins on a peur d’être mal perçu par les autres. L’authenticité est un corolaire de l’auto compassion.
Les applications managériales
Le manager va pouvoir faire preuve de compassion envers ses subordonnés d’autant plus s’il s’exerce à l’auto-compassion sur lui-même.
- Croire en la possibilité de changer amène le dirigeant à porter attention aux efforts, aux évolutions de son collaborateur. Un regard bienveillant sera plus affiné pour aider son subordonné à s’améliorer. En retour, ce dernier se sentira valorisé et sa motivation n’en sera que plus grande.
- Temporiser permet de garder son calme et ne pas scléroser son collaborateur dans son élan d’expérimentation.
- Pour favoriser son empathie envers son collaborateur, pensez à vous mettre à sa place. Exprimez votre compassion par des mots en restant authentique pour développer la loyauté de votre employé à votre égard.
« La bonne nouvelle c’est que l’homme est un pont et non une fin » Friedrich Nietzsche.
Points à retenir :
- L’auto-compassion est un état émotionnel caractérisé par l’introspection et le non jugement
- L’auto-compassion se différencie de l’estime de soi et de la confiance en soi
- Il s’agit de s’observer sans se juger, avec gentillesse, bienveillance et indulgence
- Cela apprend à accueillir ses émotions
- L’auto-compassion permet de s’améliorer, de rester motivé, de développer son authenticité et d’agir sur son potentiel de développement
- Un manager doté de compassion favoriser la loyauté de son collaborateur, sa motivation et son efficacité