James R. Detert, professeur de gestion des entreprises à la Darden School of Business de l’université de Virginie décrit le courage comme « entreprendre des actes louables en dépit des risques encourus». Transposée au travail, comment illustrer cette définition ? Il ne s’agit en aucun cas de défier l’autorité de son supérieur, de vouloir révolutionner les normes établies dans l’entreprise et encore moins de démolir une institution toute entière. Les actes louables dont parle l’auteur revêtent plutôt l’aspect d’un changement positif, pour un individu, un collectif et une entreprise, par exemple : aborder un sujet délicat avec un collègue que vous risqueriez de froisser, changer d’orientation stratégique, s’imposer face à un employeur injuste ou tyrannique. Les risques encourus sont facilement représentables, en effet nous craignons tous de perdre notre emploi et nos ressources financières. Toutefois, d’autres conséquences peuvent être vécues comme désastreuses : la mise à l’isolement par ses collègues, se faire exclure de certains projets, ou se sentir dans l’embarras face à la personne dont on a bravé l’opinion. Nous ne sommes pas tous des êtres courageux. James R. Detert parle de personnes habilement courageuses, c’est-à-dire toute personne, courageuse ou non, qui a la capacité de développer des stratégies menant à des actions de courage. Ces habiles courageux défendent leurs idéaux de manière ingénieuse. Avant de découvrir les principes que nous conseille de suivre l’auteur pour devenir habilement courageux, regardons quel genre de peureux nous sommes.

Quel genre de peureux êtes-vous ?

Non seulement nous ne sommes pas tous égaux face à la difficulté mais en plus la peur ne s’exprime pas de la même manière chez chacun d’entre nous. La coach et fondatrice du blog YourCourageousLife.com, Kate Swoboda, nous incite à observer comment nous réagissons face à la peur, aux doutes et aux incertitudes. Selon elle, il existe différents types de peureux :

  • Le pessimiste : qui manque d’espoir d’atteindre ses objectifs.
  • Le perfectionniste : qui se fixe des objectifs élevés et a tendance à en faire trop.
  • Le martyr : qui se concentre sur les objectifs et besoins de ses collègues par peur d’être rejeté.
  • Le saboteur : qui s’enthousiasme mais se décourage tout aussi vite.

Connaître votre fonctionnement, observer vos émotions, ressentir les mots du corps, écouter votre critique intérieure et repérer vos croyances limitantes amène à devenir de plus en plus courageux par une compréhension aiguisée de qui vous êtes.

Et c’est fort de cette conscience de soi que vous allez pouvoir mettre en pratique les techniques de James R. Detert pour cultiver votre potentiel «courage».

1 – Préparer le terrain pour créer un contexte favorable à votre initiative

N’importe qui ne peut pas se permettre d’émettre des critiques (quand bien même constructives) et de proposer des axes d’amélioration. Au préalable, il est nécessaire de se construire une solide réputation empreinte de respect qui viendra légitimer vos actions. Bien évidemment cela prend du temps et il va falloir vous armer de patience si vous voulez être bien considéré. Vous aurez besoin de prouver votre excellence à votre poste,  de montrer votre investissement au sein de votre entreprise, d’afficher une totale impartialité en toute circonstance et de faire preuve d’intelligence émotionnelle comme intellectuelle. Grâce à cela, on vous considérera comme une personne indépendante et loyale auréolée d’un capital sympathie. C’est ce capital sympathie qui va pouvoir être dépensé, en cas de besoin, dans un contexte épineux. Mais attention, même avec la meilleure des préparations, votre acte de bravoure peut être mal perçu. Si c’est le cas, l’habile courageux que vous êtes va devoir penser à des solutions de repli s’il ne veut pas voir son dessein avorter.

2 – Choisir ses combats à mener

Et pour cela, il y a deux questions à se poser :

  • Le combat est-il vraiment important pour vous, vos valeurs, vos aspirations ? L’est-il aussi pour vos collègues et la société qui vous emploie ?
  • Est-ce le bon moment pour se lancer dans la bataille ?

Dans tous les cas, ne vous éparpillez pas en terrain miné. Menez un combat à la fois en respectant un laps de temps nécessaire entre deux luttes pour laisser l’occasion aux caisses de votre crédit de sympathie de se renflouer.

C’est en observant et en analysant votre environnement professionnel que vous trouverez le timing idéal et les bonnes occasions à saisir. Ne pensez pas qu’attendre est une perte de temps, bien au contraire. Vous allez pouvoir mettre à profit cette temporalité pour affiner votre projet, réunir des données tangibles, construire des arguments infaillibles et mieux comprendre les problématiques en jeu.

Néanmoins, il arrive que vous soyez face à une situation d’urgence et auquel cas il n’y a pas d’hésitation à avoir : saisissez l’opportunité !

3 – Persuader sur le champ

Maintenant que vous êtes un collaborateur respectable avec un combat louable, vous allez pouvoir agir. Pour que votre interlocuteur entende votre message, travaillez un discours auquel il va pouvoir s’identifier. L’attaque est à proscrire : vous gagnerez en force de persuasion en parlant des valeurs de l’entreprise, des priorités commerciales, de l’organisation. Formulez donc des propositions attractives qui ne vont pas venir faire exploser l’institution en place. Quelle que soit l’idée que vous exprimerez, l’inconnu fait peur alors sachez que vous serez exposé au rejet indépendamment de votre personnalité et du bien fondé de votre demande ou proposition.

4 – Effectuer le suivi de vos actions

Peu importe la manière dont les choses vont tourner, restez en lien avec les personnes que vous avez affrontées. Si l’issue est négative, faites face et maintenez impérativement le lien de confiance. Si l’issue est favorable, remerciez et partagez le mérite du succès avec votre partenaire. Toutefois, il ne faut pas se contenter de cela : gagner une bataille, ce n’est pas gagner la guerre. Restez aux aguets pour vous assurer que les étapes suivantes de la réalisation du projet ou des décisions prises se réalisent, se maintiennent dans le temps. Un échec ou un retard peut surgir et il va falloir vous adapter pour envisager la chose sous un autre angle. Ainsi, faire preuve de courage c’est aussi faire preuve de ténacité et d’adaptabilité.

Voilà pourquoi être habilement courageux ça s’apprend, progressivement, étapes par étapes, petites actions à opérations de grande envergure.

Parce que comme le dit Euripide, auteur tragique grec, «le courage n’est rien sans réflexion».

Points à retenir :

  • Il est possible de défendre ses idéaux de manière habile, même si l’on n’est pas courageux dans l’âme
  • Avant d’agir, préparez le terrain de votre action en vous forgeant une honnête réputation
  • Évaluer la pertinence de votre action au regard de vos valeurs mais aussi de celles de l’entreprise
  • Être courageux oui mais au bon moment
  • Pour gagner en force de persuasion adaptez votre discours à votre interlocuteur en proscrivant toute forme d’attaque
  • Suivez votre action jusqu’à son terme en prenant soin de maintenir de bonnes relations avec vos interlocuteurs, quelle que soit l’issue