« Si on vous donne un bon conseil, refilez-le vite à un autre. » Oscar Wilde.
Avoir une opinion sur tout est louable. Avoir la fâcheuse tendance à ne pas pouvoir la garder pour soi, l’est beaucoup moins. Et pourtant, c’est dans notre nature humaine que de vouloir donner des conseils ! Pourquoi ? Parce que nous sommes toujours convaincus d’avoir la solution aux problèmes d’autrui. Réfléchissons un instant, par quoi sommes-nous animés quand nous donnons un conseil (souvent même sans avoir été sollicité) ? Par un élan de bienveillance, de compassion et d’objectivité ? pas toujours. En réalité, la croyance d’avoir toujours la bonne réponse valorise notre égo. Par ailleurs, penser avoir raison, s’érige en bouclier face à notre propre peur de l’échec. Voilà pourquoi même si certains conseils donnés sont parfois judicieux, il peut être parfois préférable de garder son avis pour soi.
Michael Bungay Stanier, coach et auteur de « Le piège du conseil », analyse les conséquences de l’abondance de conseils en milieu professionnel. Il nous explique comment passer de la posture de « donneur de conseils » à celle de coach afin d’accompagner efficacement et de stimuler les équipes dans leur résolution de problème.
Les différentes personnalités chez le donneur de conseils
Le donneur de conseil revêt plusieurs visages :
- «Dis-le » : le « conseilleur » a réponse à tout et se pense le mieux placé pour répondre.
- « Sauve-le » : le « conseilleur » s’érige en sauveur. Il estime que sans son intervention, la situation ne pourra que s’aggraver voire péricliter.
- « Contrôle-le » : le « conseilleur » tient à rester aux commandes pour contrôler et s’assurer du dénouement positif de la situation.
Comprendre ce qui nous pousse à conseiller pour mieux se canaliser
Quelle que soit la personnalité qui se cache derrière le donneur de conseil, conseiller sans sollicitation préalable peut demeurer improductif.
En effet, le conseil imposé risque d’induire l’idée dans l’esprit du « conseillé » que le « conseilleur » l’estime incapable de réfléchir par lui-même. Cela va venir impacter son autonomie
De plus, le « conseilleur » s’impose une charge mentale supplémentaire : n’a-t-il pas assez à faire avec ses propres objectifs professionnels ?
Enfin, le sentiment de manque d’autonomie des « conseillés » et la charge de travail des « conseilleurs » risque de désorganiser les équipes. Attention, à la démotivation causée par un sentiment d’infériorité induit par l’acte de conseiller.
Pour s’affranchir de son enthousiasme à conseiller à tout va, il convient de se poser les bonnes questions :
- Qu’est-ce qui déclenche chez vous l’envie de donner un conseil ?
- Quel sentiment vous procure le fait de donner un conseil ? Qu’est-ce qui vous satisfait ?
- Quels avantages retirez-vous à donner des conseils ?
Les réponses à ces questions amènent à une prise de conscience salutaire : en cessant d’imposer des conseils, vous gagnerez en empathie et en humilité. C’est de cette manière que vous glisserez progressivement dans la posture de coach.
Adopter progressivement la posture de coach
Si le conseil est à éviter, il est toutefois nécessaire de savoir accompagner ses équipes. Pour agir de manière stratégique et efficace, il convient d’acquérir des habitudes de coaching. Toute la différence réside dans la capacité à réfléchir sur les tenants et aboutissants de la situation litigieuse, de creuser et d’écouter ses collaborateurs. Ici c’est davantage le processus d’avancement que le résultat qui importe.
- Prenez du recul sur le problème des autres avant d’intervenir, voire n’intervenez pas du tout !
- Posez des questions, cherchez à comprendre, réfléchissez, ouvrez le dialogue sur la situation avec vos équipes.
Les 7 questions qui aident à la formulation du problème
Voici 7 questions à adapter en fonction du contexte donné. En posant ces questions, vous vous érigez en coach, apte à accompagner vos équipes dans le respect, la confiance en leurs capacités de résolution et la valorisation de leurs compétences.
- « Qu’avez-vous en tête » ? Ouvre la conversation.
- « Et quoi d’autres » ? Identifie ce qui touche l’interlocuteur.
- « Quel est le vrai défi pour vous » ? Permet d’approfondir le problème et de déceler les problématiques sous-jacentes.
- « Que voulez-vous » ? Détermine les actions à mener.
- « Si vous dites oui à cela, à quoi dites-vous non » ? Fait émerger les options existantes.
- « Comment puis-je vous aider ? » Laisse le choix à votre interlocuteur de faire appel ou non à votre omniscience.
- « Qu’est-ce qui vous a été le plus utile ? » Pousse votre collaborateur à comprendre et à tirer des leçons de la situation.
Aider ses collaborateurs à identifier les défis à relever
En termes de résolution de problématique, il y a toujours un arbre qui cache la forêt, c’est pourquoi il est impératif de chercher quel est le véritable enjeu de la situation. En tant que figure de coach il vous appartient d’aider votre collaborateur à identifier le véritable problème. Pour cela, instaurez une conversation qui aille dans le détail. Recadrez le dialogue si vous avez le sentiment que votre collaborateur tourne autour du pot ou parle pour ne rien dire ou reste évasif.
Grace à une écoute active et l’utilisation à bon escient des 7 questions précédentes, vous amènerez progressivement votre interlocuteur à la volonté de passer à l’action ou à identifier le type d’aide dont il a besoin.
Les qualités de coach à développer
Lorsque vous êtes en situation de coaching, les qualités suivantes sont essentielles :
- Le silence bienveillant : rester silencieux 3 à 5 secondes permet à votre collaborateur d’entrevoir les solutions.
- Etre modeste et humble : même les coachs ont besoin d’être accompagnés et peuvent se remettre constamment en question dans leur pratique.
- Ne pas rester sur ses acquis et apprendre tout au long de sa carrière professionnelle des techniques de coachings.
- Donner des conseils à bon escient, après avoir développé votre approche de coaching et obtenu le feu vert de votre collaborateur.
La règle d’or des conseils efficaces
Utilisez une formulation qui englobe et valorise votre équipe. Parlez en « nous » plutôt qu’en « je », par exemple.
- Avant de donner un conseil, vérifiez que votre interlocuteur est prêt à l’écouter.
- Annoncez que le conseil que vous allez donner est la source de votre propre opinion et qu’il ne revêt en rien force de loi.
- Proposez un conseil concis.
- Une fois votre conseil énoncé, vérifiez auprès de votre collaborateur s’il répond à sa demande.
Grâce à ces outils, vous deviendrez un coach talentueux pour le plus grand bonheur de vos équipes.
« Une mauvais expérience vaut mieux qu’un bon conseil. » Paul Valéry, écrivain et philosophe.
Points à retenir :
- Passer de la posture de « donneur de conseils » à celle de coach permet d’accompagner efficacement et de stimuler les équipes dans leur résolution de problème.
- L’écoute active et le questionnement, amène progressivement votre interlocuteur à la volonté de passer à l’action ou à identifier le type d’aide dont il a besoin.
- Après ce travail de coaching, il est possible de donner un conseil avec l’accord du collaborateur concerné.