Le « pitch » est un anglicisme qui se définit comme : une présentation orale efficace en un laps de temps très court, dans le but de vendre un projet ou une idée. Il s’agit de prouver à un client, un fournisseur, un dirigeant, que son conseil est créatif et qu’il apportera une plus-value certaine à l’entreprise. Malheureusement, le pitcheur va se heurter à un adversaire sournois mais non moins puissant : le stéréotype. En effet, peu importe l’idée, peu importent ses compétences, seul son pitch comptera ou, autrement dit, sa présentation. Pourquoi ? Parce que le « receveur », (l’interlocuteur cible en jargon pitch) va spontanément juger, en toute subjectivité, la personnalité du pitcheur et non son idée. L’ennemi du pitcheur c’est donc le stéréotype que ses interlocuteurs vont lui attribuer. Pour convaincre, le pitcheur va devoir se montrer convaincu par la vision qu’il défend. Pour gagner la partie, il va falloir séduire. En résumé, le but est d’être rangé dans la bonne case, et pour cela mieux vaut savoir bien pitcher !

Kimberly D. Elsbach maîtresse de conférences en management à l’université de Californie nous livre les secrets pour être un bon pitcheur. Toutefois, elle met également en garde les « receveurs » du risque de se laisser berner par « le miroir aux alouettes ». Découvrons ses conseils.

Le jeu des stéréotypes

Un stéréotype, c’est ce qu’on pourrait appeler « un prototype d’individu ».

Cataloguer les autres, cela paraît injuste et arbitraire, mais c’est un comportement profondément humain. Il est difficile de l’éviter. Ce jugement se fait à partir des croyances de chacun, de ses expériences relationnelles.

Vous comprenez dès lors que le pitcheur va être vite stéréotypé, alors attention à ce que ce soit dans la bonne catégorie ! Car selon Kimberly D. Elsbach il existe 4 types de pitcheurs « à échec » et 3 catégories de pitcheurs « à succès ».

Nos pitcheurs « à échec »

Ces 3 catégories sont classées parmi les mauvais pitcheurs. Leurs idées sont rarement retenues par les receveurs.

L’indécis : Il évite de se positionner et propose plusieurs options. Puisqu’il est indécis, il finit toujours par se rallier à l’opinion du « receveur ». Malheureusement, son oscillation discrédite ses idées car son auditeur en vient à douter de sa fiabilité.

Le robot : il présente son projet méthodiquement, sans parvenir à s’extraire de sa présentation écrite. Une présentation rébarbative et sans âme risque d’agacer le « receveur » qui se désintéressera de l’idée, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

Le vendeur de voiture d’occasion : il veut à tout prix rallier l’autre à sa cause. Voulant convaincre coûte que coûte, il n’entendra pas les réticences de son interlocuteur. N’étant pas à l’écoute, il ne cherchera pas de solutions et s’enfermera dans la surenchère de son argumentaire.

Le quémandeur : il cherche un contrat, il montre son urgence à remplir son cahier de commandes, il frappe à tous les râteliers en ressassant inlassablement le même plaidoyer. Il reste enfermé dans sa demande et dans son discours. Un tel comportement n’inspire pas la confiance et risquera fort de repousser les receveurs.

Nos pitcheurs « à succès »

Attention, les mauvaises impressions vont plus vite que les bonnes. Les catégories qui suivent sont classées parmi les bons pitcheurs parce que ceux-ci valorisent le receveur et proposent des idées qui répondent à ses besoins. Leurs projets sont majoritairement retenus.

Le showrunner : doué pour l’improvisation, il sait habilement jongler avec créativité et passion. Il possède cette « intelligence pratique » dont découle une forme de clairvoyance sur les idées qui seront profitables à l’entreprise, au receveur. Même si son concept n’est pas exceptionnel, sa compréhension de l’autre et son charisme, lui feront souvent remporter la partie. Il donne à croire que son innovation changera la vie de l’entreprise. Il sait éveiller l’intérêt du receveur en l’intégrant dans la discussion et en adaptant son discours à ses remarques.

Entrée en la matière qui permet de contacter l’univers du receveur : « rappelez-vous… ».

L’artiste : tout aussi exalté que son congénère le showrunner, il se distingue de celui-ci par sa difficulté à faire face à un auditoire. L’artiste est embarrassé en public car bien qu’excentrique, il est timide. En revanche, tel un hypnotiseur, l’artiste a la capacité de subjuguer le receveur. Il a le don de l’embarquer avec lui dans son univers. Il captive, il séduit par sa créativité et son authenticité. Il ne joue pas un rôle, il se dévoile au travers de son œuvre, de sa production.

Entrée en la matière qui permet d’emmener le receveur dans son univers : « Imaginez… ».

Le néophyte : c’est un éternel apprenant. Il ne met pas en avant sa compétence mais son ignorance. Et c’est justement par sa méconnaissance qu’il va capter l’attention du receveur. Il sollicite sa participation en lui demandant de lui faire profiter de son expérience. Par un jeu de suggestions, le néophyte place le receveur au rang d’« enseignant ». Ce faisant, le projet va prendre forme spontanément sous les yeux ébahis du client.

Entrée en la matière qui permet d’ouvrir à un apprentissage collaboratif : « Pourquoi, comment… »

Les risques du pitch

Nous venons de vous décrire les profils des meilleurs pitcheurs. Le showrunner, l’artiste et le néophyte remportent plus de succès parce qu’ils ont l’art et la manière de toucher les décideurs. Néanmoins, le fond est-il aussi séduisant que la forme ? Un emballage attrayant ne garantit pas un contenu adéquat et qualitatif. L’attention des décideurs a tôt fait de se laisser distraire par l’adresse du pitcheur.

Pour déceler néanmoins la bonne idée qui saura rendre son entreprise novatrice et compétitive, le décideur a quelques cordes à son arc :

  • Rester vigilant à ne pas se laisser aller à des stéréotypes au risque de passer à côté d’un pitcheur moins séduisant mais au projet sensationnel.
  • Vérifier que le pitcheur soit capable de mettre en œuvre son projet et de le mener à terme.
  • Tester le pitcheur :
    • Au showrunner, lui faire passer une sorte d’entretien d’embauche, par des questions dont les réponses témoignent de sa réelle créativité : lui demander quelles sont ses expériences passées et quelles leçons il a tirées de ses échecs.
    • A l’artiste et au néophyte, leur exiger un prototype, un dossier abouti, ou leur faire réaliser un exercice fictif pour valider leur réelle capacité à porter un projet.

Pour reprendre la phrase de Roberto Goizueta, ancien P-DG de Coca cola « Rien n’est plus dangereux qu’un bon pitcheur dénué de talent » !

Points à retenir :

  • Le « pitch » se définit comme une présentation orale efficace en un laps de temps très court, dans le but de vendre un projet ou une idée.
  • Le « receveur », va spontanément juger, en toute subjectivité, la personnalité du pitcheur et non son idée : le pitcheur est catalogué, stéréotypé.
  • Il existe des catégories de pitcheurs : les bon pitcheurs sont ceux qui valorisent le receveur : le showrunner, l’artiste, le néophyte
  • Attention, un bon pitcheur ne garantit pas que son idée soit sensationnelle : les “receveurs” doivent être vigilants et vérifier que le talent des pitcheurs ne cache pas un produit/service dénué d’intérêt….