Négocier c’est avant tout trouver un accord « gagnant-gagnant » entre deux ou plusieurs personnes de « camps » différents. Il ne s’agit pas de remporter une bataille au détriment de la partie adverse mais d’avoir une discussion ouverte pour parvenir à une entente. Un négociateur chevronné sait faire preuve de stratégie, d’imagination et surtout de psychologie. En effet, les émotions jouent un rôle essentiel dans l’art de la négociation. Parce qu’il y a interaction humaine, l’état d’esprit des participants est toujours à prendre en compte. Qu’il soit général (comment je me sens aujourd’hui) ou spécifique (quelle émotion domine aujourd’hui), l’état d’esprit influence notre comportement et ce, à fortiori lors d’une négociation. Alison Wood Brooks, enseignante en négociation à la Harvard Business School, nous donne les clés pour mettre au point sa stratégie de négociation en tirant partie de ses émotions.
Contrôler son anxiété
La négociation peut être perçue comme une situation potentiellement dangereuse et donc inquiétante. C’est pourquoi elle génère souvent de l’anxiété. Cette émotion autocentrée se traduit par des réactions physiques et comportementales qui peuvent nuire aux pourparlers. En effet, l’anxiété incite à la fuite plutôt qu’à la patience et à la persévérance face à la difficulté. Concrètement, les personnes anxieuses négocient différemment des personnes sereines : leurs premières offres sont plus faibles, leurs réactions plus rapides et elles quittent souvent les négociations trop vite. Le négociateur qui exprime son anxiété est en perte de confiance. Il saura moins faire preuve de discernement et il va avoir tendance à demander l’avis de tierces personnes. Attention aux interlocuteurs calculateurs qui provoquent délibérément une situation anxieuse pour parvenir plus facilement à leurs fins!
→ Comment éviter l’anxiété : en s’entraînant ou en suivant des stratégies de perfectionnement car plus on s’entraîne et moins on a peur de faire. Si malgré tout l’anxiété reste trop forte, la solution ultime serait de confier la mission à un négociateur externe.
Gérer la colère
La colère, puissante émotion déversée sur autrui, est-elle constructive ou improductive ? La négociation n’est pourtant pas un combat de coqs mais bien une collaboration entre parties aux intérêts divergents. Etre en colère donne-t-il réellement plus de force, de charisme, de conviction ? Dans les négociations unilatérales avec une seule partie et une seule transaction, la colère peut être utile. Dans les autres configurations, la colère abîme surtout la relation professionnelle. En effet, elle fait perdre tout discernement, augmente le risque d’impasse, stimule la compétition au détriment de la collaboration, égratigne les relations à long terme car elle entrave la sympathie et la confiance, favorise la démission de la partie adverse.
→ Comment éviter la colère : en tissant des liens avec son interlocuteur avant et pendant la négociation, en cherchant des solutions gagnant/gagnant, en calmant le jeu face à une personne coléreuse, en demandant une pause dans le processus de négociation pour prendre du recul et éviter l’affrontement ou encore en convertissant sa colère en une autre émotion.
Accepter la déception et le regret
Même si la négociation implique par essence des concessions pour chaque participant, il n’est pas rare de se sentir déçu une fois l’accord trouvé. Néanmoins, exprimer sa déception peut devenir un atout pour mieux servir ses intérêts. En effet, une personne déçue suscite de l’empathie et donne à l’autre l’envie d’atténuer la tristesse qu’il pense avoir provoquée. Il est nécessaire de comprendre pourquoi cela n’a pas fonctionné comme on l’aurait voulu. Regretter amène à revenir sur les étapes de la négociation pour analyser les erreurs commises.
→ Comment éviter le regret : en posant des questions pour éviter les erreurs d’omission, en écoutant, en réfléchissant sur des alternatives pour éviter les opportunités manquées, en regardant si toutes les possibilités ont été explorées. Parce que tout est perfectible, il est aussi possible d’envisager une renégociation après accord.
Canaliser la joie et l’enthousiasme
Mener à bien une négociation c’est stimulant. Pour autant, même si l’enthousiasme est légitime, il peut être perçu par l’interlocuteur comme arrogant. Le risque est de décevoir, de vexer l’autre et que celui-ci demande la résiliation ou renégociation de l’accord conclu. En outre, l’enthousiasme fait baisser la vigilance et la prudence par excès de confiance.
→ Comment éviter l’excès de joie : en faisant croire à l’autre qu’il a fait une bonne affaire, en cultivant toujours la bienveillance, en ne prenant que des décisions justifiées, c’est-à-dire non fondées sur un excès de confiance.
Pour bien mener une négociation, mieux vaut se connaître et repérer ses émotions dominantes. En apprenant à apprivoiser nos émotions, nous gagnerons tous en force de persuasion.
Points à retenir :
- Connaître et gérer ses émotions est un atout en matière de négociation
- L’anxiété se gère grâce à l’entraînement
- La colère se canalise en prenant du recul
- La déception s’évite grâce à une méthodologie minutieuse
- Pour ne pas avoir de regrets, il faut analyser la négociation dont le résultat n’a pas été satisfaisant
- Calmer son enthousiasme pour ne pas paraître arrogant